La valeur d'une rescapée.

Un cailloux qui claquait contre ma fenêtre. Loin dans mon sommeil, je le pensais être le fruit de mon imagination, qu'une vague démonstration de mon angoisse d'être dans ce bâtiment, bien que ravissant, je n'en connais pas de plus dangereux. Les vipères ne partaient jamais. Elles sifflaient, attendaient patiemment une faiblesse pour te mordre. Je ne faisais confiance à personne ou presque. Mon frère était à lui seul sa propre exception. Alors, quand le caillou venait me taper le front, je savais que ce n'était ni un rêve, ni une vipère mais un abruti qui essayait d'attirer mon attention et qui venait de péter ma fenêtre. Fumier.

Je n’étais pas partisane de la haine entre… personne.  D’ailleurs, j’avais même du mal à comprendre comment on pouvait tuer pour une raison d’appartenance à une catégorie de personnes plus qu’à une autre. La seule raison qui devrait nous pousser à cela, devrait être la survie. Mais au fond, nous étions tous devenu las de cette réalité. Notre réalité n’était que terreur et mort. Je m’enfuyais avec cet abruti, élu, mutilé, déchu ou augmenté, je m’en fichais bien. C’était mon ticket de liberté, voilà ce que je voyais. Je le connaissais depuis quelques semaines, il était drôle et je m’en tapais d’en savoir plus sur lui. Enfait, j’appréciais la simplicité de ce moment. Il était unique, parfait, vibrant.

Comme deux amis qui se retrouvaient juste pour rire. Le soleil se levait doucement, c’était beau. Un froissement, assez rapide pour que ça soit une équipe de recherche. Je plissais les yeux, des mouvements, trop rapide pour que je puisse les distinguer mais pas assez pour ne pas savoir que c’était humain. Les ombres… Je me tournais vers mon ami. «Fuis ! » C’était sincère. Je pouvais encaisser toutes les peines mais pas celle d’être coupable de la mort d’un innocent. J’avais choisi cette vie, pas lui. Et rien que par le bruit, je pouvais savoir qu’il était seul. SEUL. Il n’y avait qu’un seul ombre qui arrivait à me retrouver aussi rapidement et complètement seul. Aiden. Merde. BORDEL DE MERDE. Ce gars-là, à côté de moi, venait d’être condamné.

Je regardais l’eau puis le jeune homme puis l’homme. Je l’expulsais avec mon pouvoir à l’intérieur en lui chuchotant avec l’expulsion. «Nage sous l’eau… Il te tuera s’il te voit… » Parce que je n’étais pas stupide. Je connaissais déjà ou je soupçonnais tout du moins, la nature de cet « ami ». Un mutilé, pour ne pas avoir peur de s’approcher de Silence, c’était bien les seuls. Tout en courant à son opposé, j’enjambais autant que possible les obstacles qui se mettaient en travers de ma fuite. Sa voix retentissait comme une menace et je savais une chose, son obsession pour me retrouver prenait le dessus. Il ne le fera pas dans l’eau ou il ne lui accordera pas d’attention.

Non, toute son attention était dirigé vers moi. «Aiden… » murmurais-je comme une supplication. Tout sauf lui. Je voulais tout les ombres sauf lui. Je montais en haut d’un arbre avec agilité, je ne voulais pas être facile à saisir en bas. J’avais cette étrange sensation d’être déjà prise au piège, comme un serpent avec son rat. Il attendait juste le bon moment pour jaillir sur ma jugulaire.  Peut-être ne savait-il pas encore que c’était mieux et c’était sans doute mieux comme ça. Je tentais des déplacements sur les arbres, avec autant de discrétion possible. « Tu n’es pas obligé de faire ça, Aiden… » Il n’était pas obligé de me ramener à l’institut… « L’institut, tu t’en fiches non ? » Autant tenter le tout pour le tout. Et ceux même si je lui avais sans doute donner ma position...